É.-U. 2023. Comédie dramatique de Cord Jefferson avec Jeffrey Wright, Tracee Ellis Ross, Erika Alexander. Écrit à la blague pour correspondre au goût du jour en matière de représentation des noirs, le roman d'un écrivain afro-américain désabusé devient un phénomène d'édition. Satire jouissive pourfendant les bien-pensants. Ambition formelle modeste relativisée par l'intelligence du propos. Musique inspirée. J. Wright impeccable. (sortie en salle: 5 janvier 2024)
Écrit à la blague pour correspondre au goût du jour en matière de représentation des noirs, le roman d'un écrivain afro-américain désabusé devient un phénomène d'édition. Satire jouissive pourfendant les bien-pensants. Ambition formelle modeste relativisée par l'intelligence du propos. Musique inspirée. J. Wright impeccable. (sortie en salle: 5 janvier 2024)
Au cinéma, personne jusqu'ici n'avait osé attaquer le consensus entourant la représentation des Noirs, voire la condescendance avec laquelle cette "identité" se retrouve inféodée aux stéréotypes bien-pensants de la classe dominante, qu'elle soit blanche ou bigarrée. Le nouveau venu Cord Jefferson a osé. Sa satire jouissive inspirée du livre de Percival Everett entretient un vrai dialogue avec le présent et place en son centre un écrivain écartelé entre sa lucidité, aux plans social et culturel, et son incompétence sur le terrain des émotions. En cela, Monk n'est pas très différent des intellectuels dépeints dans la culture populaire américaine, à cette différence près que son intelligence est ici motif d'admiration, non source de dérision. Ajoutez à ce bilan le fait que AMERICAN FICTION est sans doute une des satires les plus satisfaisantes depuis WAG THE DOG. Il n'y a pas une minute de trop dans ce film écrit avec finesse, pulsé par le jazz dissonant de Laura Karpman (lui-même inspiré de Thelonious Monk), cependant réalisé un peu à l'emporte-pièce. Cela dit, sa carence en ambition formelle est largement compensée par l'éclat de sa pensée et le jeu impeccable de Jeffrey Wright. Cet acteur charismatique et raffiné mériterait qu'on lui confie davantage de premiers rôles au cinéma.
Texte : Martin Bilodeau