L’AVIS DE MEDIAFILM

Plutôt que d'enfoncer des portes ouvertes en nous serinant sur le génie créateur de Leonard Bernstein, Bradley Cooper (A STAR IS BORN) a choisi de nous parler du poids de ce génie sur l'homme, son épouse et leur entourage. Le résultat, sorte de film-concept extravagant et atypique, force l'admiration. Bien que Bernstein soit un pur produit de l'Amérique des Trente Glorieuses, le film centré sur le couple sous tension s'inspire des grands maîtres européens: Antonioni, Bergman, pour ne citer que les plus apparents. À cet égard, le plan-séquence fixe de la querelle conjugale dans le penthouse de la 5e Avenue, alors que défile sous les fenêtres la parade de Thanksgiving, est un trésor d'anthologie. Filmé au format 4:3, en noir et blanc (dans la première partie) puis en couleur, MAESTRO avance par petits sauts dans le temps, rendus subliminaux par le montage exceptionnellement fluide et l'absence délibérée de marqueurs temporels autres que le panorama changeant et le vieillissement des personnages (maquillages et coiffures sont soignés mais ne convainquent pas toujours). Ceci n'est pas une biographie, semble nous répéter Cooper, mais une méditation sur l'échec (une obsession de Bernstein) et l'abnégation (chemin de croix de sa femme). Rien de tout cela ne prendrait forme sans la savante photo de Matthew Libatique (chef opérateur attitré de Darren Aronofsky), le soin minutieux apporté au son environnant, ainsi que la chimie entre Bradley Cooper et Carey Mulligan, au sommet de leur art.

Texte : Martin Bilodeau