L’AVIS DE MEDIAFILM

Après le succès critique récolté par ses deux films précédents (L'ENNUI et ROBERTO SUCCO), Cédric Kahn, avec l'aide de coscénaristes chevronnés (qui sont aussi cinéastes), transpose plutôt habilement en France un polar de Simenon dont l'histoire se passe en Amérique, travestissant le texte narratif du roman en divers soliloques. Empruntant à Hitchcock son talent pour faire partager au spectateur le désarroi du personnage principal, ainsi qu'une situation mêlant l'argument du FRANTIC de Polanski et le road-movie fracturé à la David Lynch (LOST HIGHWAY), le réalisateur suit néanmoins dans la première partie une trame assez convenue. Toutefois, par sa mise en scène assurée, Kahn installe une tension grandissante, grâce surtout à une bifurcation ingénieuse de l'intrigue, laissant le protagoniste (et le spectateur) dans un vide cognitif déstabilisant. S'ensuivent les scènes les plus fortes du film, virant dans le quasi fantastique, puis dans l'hyperréalisme d'une quête frénétique des pièces manquantes d'un puzzle. En dépit d'un dénouement laissant sur notre appétit, on saura gré à Kahn d'avoir réuni pour la première fois à l'écran Jean-Pierre Darroussin et Carole Bouquet, et d'avoir réussi à les rendre à l'aise dans des rôles hors de leur registre habituel.

Texte : Jean Beaulieu