L’AVIS DE MEDIAFILM

Tout en demeurant fidèle au style de cinéma-vérité qui faisait la force de son précédent long métrage, ROSAIRE ET LA PETITE-NATION, Benoît Pilon passe d'un extrême à l'autre, troquant l'exploration d'un mode de vie révolu pour la description d'un univers résolument branché. La troupe de l'Opsis, saluée pour son approche originale des textes de Tchekhov, a en effet accepté d'être suivie au quotidien par la caméra inquisitrice du cinéaste. Un peu à la manière de Carlos Ferrand dans son CASA LOMA, Pilon illustre avec éloquence les étapes d'un exigeant processus de création, rendant palpable la tension vécue par les artistes, surtout à l'approche de la première du spectacle. À ce titre, la vulnérabilité de l'actrice Marie-France Marcotte, qui peine à trouver ses marques dans ce projet casse-gueule, s'avère fort touchante. Se concentrant sur quelques scènes clés de la pièce originale, le film passe d'une vision artistique à l'autre dans un montage d'une grande fluidité. Ainsi, malgré sa voix douce et rassurante, Luce Pelletier impose à ses interprètes un style de jeu sombre et tragique, pendant que Denis Bernard, en dépit de ses hésitations et interrogations, propose une lecture plus ludique de l'oeuvre de Tchekhov. Il en résulte un compte-rendu vivant d'une expérience théâtrale certes stimulante, mais ô combien angoissante.

Texte : Louis-Paul Rioux