L’AVIS DE MEDIAFILM

Les rapports troubles entre l'art et le pouvoir ainsi que le sort tragique des individus dévorés par l'ambition constituent des thèmes chers au cinéaste hongrois Istvan Szabo. Deux de ses meilleurs films, MEPHISTO et COLONEL REDL, en traitent avec acuité. TAKING SIDES illustre la descente aux enfers d'un grand chef d'orchestre, vénéré par le régime nazi et conspué par les Américains qui voulaient faire de lui le symbole de l'opportunisme et de la servilité des artistes allemands face à Hitler. Même si le film montre le délabrement avancé de Berlin au lendemain de la guerre, le véritable champ de bataille se résume au bureau du major américain, incarné avec une brutalité agaçante par Harvey Keitel. C'est dans ce décor dépouillé, à l'image de la mise en scène, que se déroulent les joutes verbales les plus poignantes, trahissant toutefois les origines théâtrales du scénario, adapté par Ronald Harwood à partir de sa propre pièce. Plus que deux personnages aux origines différentes, les protagonistes incarnent deux visions du monde et du rôle de la culture en des temps troublés. La trame sonore joue ici un rôle important, Szabo optant pour des pièces musicales d?une grande puissance évocatrice. Stellan Skarsgard livre une interprétation remarquable, rendant palpable l'amertume d'un créateur de génie pris dans le tumulte de l'Histoire.

Texte : André Lavoie